lundi 17 novembre 2008

Voyage dans l'antre de la bête

Hey hey,

Donc, fallait se rendre au bureau de l'immigration aujourd'hui. Ça ouvre à 7 h. Environ 35 minutes de métro. On savait que la file serait longue, donc on s'était promis de partir à 6 h... Et comme de fait, on a pas été foutus de fermer l'oeil de la nuit!

En fait, j'ai dormi de minuit à 2 h 30, et Stef de 3 h à 5 h 30 environ. Trop de patentes nous tournaient dans la tête.

On arrive à la station Anrumer Strasse, sur la U9. (Pour les éternels curieux... U4 direction Innsbrucker Platz, de Viktoria-Luise-Platz jusqu'à Bayerische Platz. U7 direction Rathaus Spandau jusqu'à Berliner Strasse, et enfin U9 direction Osloer Strasse jusqu'à Anrumer Strasse.)
Il est 6 h 30, il fait noir comme le poêle, et c'est froid et venteux.



On traverse le pont avant d'arriver... On est à l'extrémité sud du quartier de Wedding, près du quartier Moabit. C'est un coin industriel, la dernière place où on verrait un bureau de l'immigration! D'ailleurs, en traversant le pont, on a vu une très vieille façade en brique, avec derrière une installation industrielle complète. Plutôt surréaliste.

Il fait toujours noir comme le poêle. J'avais l'image ci-dessus dans mon lecteur MP3, donc je savais qu'on était sur la bonne voie. On a quand même demandé à un gardien d'usine à côté, parce que le coin détonnait trop. 300 mètres plus loin, nous dit-il. Vielen dank, mon pote.

6 h 45, encore noir et froid. On voit quelques personnes se diriger dans une cour. Bon, ça a pas été trop pire, suffit maintenant de....

.... fucking hell.

Il devait y avoir une centaine de personnes devant nous.

Il fait toujours noir et froid, et il vente. Il y a un petit toit qui fait la longueur de la cour, mais qui est très étroit (heureusement, il ne pleuvait pas) et qui ne protège pas du vent. On attend dehors, comme des chiens. J'ai été tolérant et patient pour les paperasseries depuis notre arrivée, mais là c'est le comble. Attendre dehors comme ça, comme des lépreux, c'est grotesque. Ça aurait ben été le bout s'il y avait eu un orage!

Déjà que j'avais des visions de délais de 4-6-8 semaines pour le traitement, de gros bonhomme bourru qui nous engueulerait d'avoir pris tant de temps à faire notre demande, de risque qu'il manque des documents, de possibilité de pas avoir de visa temporaire pour la durée du traitement, du risque d'expulsion ou de fortes amendes si on est ici illégalement, du risque de perdre ma caution pour l'appartement si on doit partir précipitamment (1300 euros, 2100 $ quand même), etc. Tout ça me dansait dans la tête, et fallait attendre dehors en plus.
C'était comme faire la file pour recevoir un coup de Kodiak dans les parties. Et un autre. Et un autre!

7 h arrive. Ils laissent entrer les gens au compte-gouttes (!?) On continue de se geler le cul, et le S-Bahn passe pas trop loin de nous (S41-42 sur la carte), en faisant un bruit strident à chaque fois.

Le soleil commence enfin à se pointer. Il fait toujours aussi froid. La file avance, tant bien que mal. On attend, résigné à notre sort. Le moral reste plutôt bon quand même.

Vers 7 h 30, il fait enfin clair. On a spotté quelques visages devant nous, et étrangement on ne trouve que des faces à fesser dedans. Stef a repéré un sourieur compulsif, et moi j'ai spotté une tête en forme d'ampoule. Dans notre monde imaginaire, on en pogne chacun un et on tape dessus jusqu'à l'essoufflement. Comme de fait, Sourieur et Tête d'ampoule sont ensemble et placotent en russe ou en serbo-croate. Putain de Serbo-croates!



Un aperçu de la file. Il y avait au moins 5 fois ça devant nous à notre arrivée. Au moins ça avance à un débit raisonnable, même s'ils s'obstinent à faire entrer le monde au compte-gouttes. On a vu en s'approchant de la porte qu'y a une seule personne au triage. Une seule! Et une autre qui donne les numéros pour attendre. Nice.

On finit par entrer. J'ai dû prendre une décision éclair (qui nous a probablement sauvés) quant au type de visa. Études ou travail? Si j'avais pris travail, j'aurais eu à expliquer le statut de travailler autonome, blah blah blah... J'ai dit études. Bam, salle d'attente 4, fond du couloir, numéros 459 et 460 pour nous deux.

La salle est pleine, donc on attend. Au moins, on est maintenant à l'intérieur. Stef a eu la brillante idée d'apporter des brioches et quelque chose à boire, comme ça on ne perd pas connaissance dans le corridor.

Notre tour arrive. Muni de mes deux piles de photocopies, j'expose notre cas. La femme me demande à vitesse grand V si j'ai ... Relevé de banque? Preuve de cours d'allemand? Anmeldung? Passeport? Photos? Demandes remplies? Preuve d'assurance-santé? Je riposte coup pour coup, brandissant fièrement chaque feuille. Il ne manque rien -- même que j'en avais trop apporté --, ça regarde pas trop mal.

Elle nous remercie et nous dit qu'ils appeleront notre numéro tout à l'heure.

On attend... et attend... et attend... et attend... et attend...

Bon, un appel de la nature. Ça va me changer les idées.


What. The. Fuck?!

Je montre la photo à Stef. Elle n'a soudainement plus envie d'aller aux toilettes.

On attend....

Plus de 90 minutes plus tard, notre numéro apparaît. Salle 10, on entre.

Un assez grand bureau. Deux femmes face à face, dont une muette.

- "Bonjour", me dit en allemand celle de gauche. Comprenez-vous ce que je dis?
- Oui, mais pas mon amie. Je pourrai traduire.
- D'accord!
- J'ai quelques questions... Vous savez que nous sommes arrivés le 3 septembre. La semaine prochaine, nous prévoyons aller en Espagne, et nous reviendrons le 3 décembre. Notre visa de touriste de 3 mois expire le même jour, est-ce un problème? Est-ce que nous aurons besoin d'un visa ... (je pense au mot)... temporaire?
- (Elle sourit en coin) Ah, aucun problème, vous recevez votre visa aujourd'hui.
- Pardon?
- Oui, oui, vous recevez votre visa aujourd'hui même.
-.... ah... heh....ben... uh... wow... ok, super!

Voici rendu le moment de payer. La dame me remet deux cartes magnétiques, avec le prix encodé dedans. 50 euros chaque. Shit... j'en savais rien, et j'ai juste 30 euros sur moi. Ils ont un système de paiement au 2e étage. On y rentre les cartes, et on peut payer par cartes de débit. OK, je vais voir. C'est pas un guichet automatique, et naturellement mes cartes ne fonctionnent pas. Ils m'ont dit qu'ils m'attendraient, OK alors.

Je sors, et pars à la recherche d'un guichet.

J'ai vu ceci, entre autres.


Et ceci.

Après avoir dû courir un peu (de B à C -- Stef m'attend) pour trouver un guichet -- je reviens, triomphant, au système de paiement. Bam, il engloutit 2 x 50 euros, je prends les reçus, redescends, donne ça à la gentille dame, et elle nous redonne nos passeports, maintenant ornés de la plus belle étampe que j'ai vue depuis longtemps. On la remercie mille fois, et on sort.

Nous quittons l'immeuble encore sous le choc. C'est tout? That's it? Visa d'un an? Déplacement illimité dans toute l'Europe? Et c'est tout ce que ça a pris?

Je m'attendais à des délais interminables, à des documents manquants (donc à revenir), à me faire engueuler et traiter de branleux, à tout plein d'autres complications, à reporter le voyage en Espagne et peut-être à devoir partir pour de bon (Stef y était carrément résignée)... rien de tout ça. Absolument rien.

Que cela nous serve de leçon. À l'avenir, ne pas se créer de montagnes!
Je peux voir d'où ça vient, par contre. On n'a pratiquement entendu et lu que des histoires d'horreur sur le bureau de l'immigration (Internet n'aide pas du tout pour ça, faut dire). Pas surprenant qu'on se soit attendus à la catastrophe.

Sur tout le trajet du retour, c'était un mélange d'euphorie totale (je n'exagère pas), d'incrédulité, de soulagement, de fatigue et de stress accumulés.

On reste ici pour un an, c'est maintenant officiel.



Les vainqueurs!


C'est probablement là-dedans qu'ils vont nous déporter, se disait-on à la blague ce matin.


Ça, c'est probablement le compartiment pour les Turcs.


Voici la vieille façade que j'ai mentionnée tout à l'heure, et l'industrie derrière.


Vue du pont. Imaginez-vous la même scène à Montréal. Pensez-vous honnêtement que la bouée de sauvetage aurait pu rester là sans que personne ne parte avec?


Yayyyyyy! On a notre visa!


Yay!


Anrumer Strasse, la plus grande salle de bains de la ville!


Voyez plutôt.


La plus belle étampe qui existe -- avec la meilleure photo de Stef en prime, haha.


Moi aussi j'ai une sale gueule, faut dire. Semblable à la photo officielle du passeport, ironiquement.

Alors voilà... Une fois arrivés, dodo de quelques heures, un peu de job, et that's it.

On a notre putain de visa, c'est réglé, fini, sous contrôle. J'en reviens toujours pas.

Demain? Who knows. Ça va être une belle journée, quoi qu'il arrive.

Beuh-bye!

5 commentaires:

Anonyme a dit...

J'suis assez content d'avoir contribué à ce court instant d'euphorie. Comme je te connais, c'est mérité et Bravo à vous deux!

D

Anonyme a dit...

Félicitations pour vos visa ça va probablement mieux dormir ce soir....
Par contre avec ce que vous avez l'air sur vos visa montrez les pas trop ils peuvent peut-être changer d'idées...Ha!Ha!

Anonyme a dit...

Trois fois BRAVO ! Cela veut dire que l'on va continuer à préparer notre visite du printemps prochain.On est soulagé pour vous deux et comme on se faisait dire à la petite école: quand on VEUT, on PEUT .
Rouquine et P

Unknown a dit...

Hey hey,

Ben oui, merci pour le coup de main! Le relevé bancaire scanné a été une pièce maîtresse, j'en suis certain. Les talons de chèque n'ont pas été nécessaires en fin de compte, mais j'étais quand même content de les avoir en maudit!

Maintenant, paye-toi une petite récompense et viens nous voir, hehe.

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Hahaha oui, Stef en revient toujours pas, de cette photo-là. Sa photo de "grosse face" (ce sont ses mots). C'est vrai, on dirait qu'elle est en train de faire une réaction allergique, et qu'elle est trop apathique pour s'en apercevoir!

Moi, j'ai la tête étrangement penchée, et l'air encore plus poqué que sur la photo du passeport (où j'ai juste l'air endormi).

En tout cas, ils ont bien dû se marrer au moment d'imprimer le visa!

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Merci pour les bons mots! Quand on veut, on peut. Et moi je voulais pour deux! Des fois le moral était bas un peu, mais ils auraient eu à me traîner par les pieds pour me sortir d'ici. Aussi bien l'avouer, j'aurais trouvé ça dur à avaler de quitter si vite!

Anonyme a dit...

Je suis très heureuse pour votre "visa". Mais ta page "Voyage dans l'antre de la bête" m'a tenue en haleine jusqu'à la fin.
En passant, ça ferait un beau titre de film avec, dans le premier rôle, la fille du passeport.
Magnifique photo des mariés.
Félicitations

Coquette